"Je viens d'un pays qui n'existe plus. Ce pays c'est la Yougoslavie."

P'tit Jean le géant

"Je viens d'un pays qui n'existe plus. Ce pays c'est la Yougoslavie."

En coproduction avec Le Colombier, la Compagnie Liria présente
P'TIT JEAN LE GEANT

Écriture et mise en scène de Simon Pitaqaj
Texte lauréat de l’Aide nationale à la création de textes dramatiques Artcéna

« Je viens d’un pays qui n’existe plus. Ce pays c’est la Yougoslavie. »
P’tit jean le Géant est un ancien général-criminel de guerre qui a fui son pays et qui a fait le choix de vivre comme un anonyme. Le voilà à Aubervilliers en dehors de la vie tumultueuse de Paris. Écouté par Brahim, le géant, il va prendre la posture d’un citoyen du monde pour s’affranchir de son passé. Pourtant, la lutte ne fait que s’intensifier entre sa vie antérieure et intérieure. Les horreurs qu’il a commises lui restent en travers de la gorge. Dévasté, il n’arrive ni à les digérer ni à les vomir. Les fantômes le hantent.
Dans son périple initiatique, le conte de P’tit Jean le géant viendra flouter la ligne entre réel et imaginaire. Les femmes y occupent une place importante. Elles sont les témoins de notre société et portent le poids des remords, des souvenirs. Ces femmes battantes, sont le symbole d’un combat toujours d’actualité ; celui de faire front ensemble dans la bataille vers la liberté, même dans l’adversité. Simon Pitaqaj raconte l’héritage de nos ancêtres, la guerre, la violence, le génocide qui est ancré dans notre peau, dans notre mémoire. Nous sommes conscients, nous luttons contre, mais nous sommes incapables de nous débarrasser de cette mémoire. Notre regard est tourné à la fois vers le passé et le futur. Cela fait de nous des hommes et femmes en transit. Incapables d’agir. Le futur est-il pour celui qui ose sortir de ce transit ?

Note d'intention / Simon Pitaqaj
J’ai quitté mon pays, à 15 ans, en plein conflit. Incapable de faire la guerre ou trop capable ? Enfant soldat ou enfant fuyard ? Un vrai combattant ou un vrai innocent ?
J’ai débarqué en France, en Seine-Saint-Denis, à Aubervilliers. J’y ai rencontré Ibrahim le géant, l’Algérien, un ancien basketteur international et comédien.
En 1995, il a fui le terrorisme et s’est installé en France. Nous sommes devenus amis.
Ibrahim, a-t-il fui le terrorisme ou l’État qui le combat ? Que cherche-t-il en Europe ? Pourquoi la France ?

Depuis trente ans que je vis en France, partout où je me retrouve on me renvoie à ces questions : qui suis- je, qui étais-je, d’où je viens, ai-je fait la guerre ? Ces questions résonnent en moi, me poursuivent, me font douter, je commence à vriller et me dis : peut-être qu’au fond de moi je suis un criminel ou que j’aurai pu le devenir ! Combien de fois (dans mes rêveries, peut-être) je me suis dit que j’aurais dû faire la guerre, aider mon pays, mon peuple, me venger des crimes commis, devenir un héros de l’UCK (l’armée de libération du Kosovo). Combien de fois j’ai dû dire aux gens qui m’entourent ou m’ont entouré que si j’étais resté là-bas j’aurais fait la guerre, je serais mort ou aurais assassiné le criminel Mladic et tous les bouchers des Balkans.
Ibrahim, mon alter ego, lui a fui le terrorisme dans son pays l’Algérie. Il a vu les massacres, la terreur, l’insupportable. Aujourd’hui, en France, il est soupçonné de terrorisme en raison de son nom, sa peau, ses origines. Ça résonne en lui, le poursuit, le fait douter, il commence à vriller et se dit : peut-être qu’au fond je suis un terroriste ou aurais pu le devenir...

L’idée d’unir ces deux trajectoires, de faire dialoguer ces deux personnages est née comme une nécessité le jour des attentats de Charlie hebdo. Avec Ibrahim nous étions en répétition du spectacle La Vieille Guerre, lorsqu’on nous apprend la nouvelle, terrible. Je me souviens de la colère monstre d’Ibrahim suivie de ces uniques parole : « j’ai fui les terroristes, j’ai fui mon pays et maintenant je me retrouve en plein dedans ». Ce sont des chaînes dont on n’arrive pas à se défaire.

J’ai voulu créer deux personnages dont le récit se mêle à la fiction. Deux personnes qui laisseraient entendre avoir commis des crimes, des actes barbares et qui ont fui leur pays pour construire une vie ailleurs, une vie anonyme. Deux personnages qui sont hantés de façon différente par leurs crimes ou ceux de leurs concitoyens. Deux personnages habités par les fantômes (ici les femmes) de leurs victimes ou de leurs proches martyrisés.
Nous sommes à la frontière entre des hommes banals et des monstres. À la frontière entre ceux qui agissent et ceux qui n’agissent pas, les actes des hommes et leurs conséquences.

Le Colombier - 20 rue Marie-Anne Colombier 93170 Bagnolet